Voilà des années que je cherche aux puces Les Américains, de Robert Frank, en édition originale de 1958, chez Delpire. Après tout ce temps et après que les revendeurs ont écumé les étals et les magasins de charité, il me faudrait un fantastique coup de bol pour trouver ce Graal du livre photo.
En désespoir de cause, et pour patienter, je suis allé voir les rééditions sur Amazon. Delpire a fait un nouveau tirage de l'édition de 1997. Mais j'ai vu surtout que pour célébrer le cinquantenaire de ce livre, les éditions Steidl, de Göttingen, on collaboré avec Robert Frank himself pour en faire une version dite "définitive". L'auteur a en particulier retravaillé les cadrages à partir ses épreuves personnelles.
Une chamaillerie entre éditeurs fait que Delpire interdit à quiconque de toucher à l'édition française, dont il détient les droits. Steidl ressort donc l'édition américaine, préfacée par Kerouac, qui a donné à ce livre son statut de symbole de la beat generation.
Mais le plus beau, c'est qu'on peut le trouver neuf pour 13,91€ chez The Book Depository.uk, en passant par Amazon.fr, alors que le prix éditeur est de 32€! (Je signale que le prix des livres, en Suisse, est majoré de 50% par rapport à la France, en plus). Ni une, ni deux, à ce prix-là, je l'ai commandé. Et je l'ai reçu ce matin! Il est magnifique: un papier subtilement satiné, une impression fine et onctueuse, rappelant l'hélio de l'âge d'or.
Mais pourquoi faire une fixation sur ce livre? Tout simplement parce qu'il est unique. Fondateur. Personne n'avait osé faire ça avant Robert Frank et plus personne n'y est parvenu après. Il sillonne les Etats-Unis pendant deux ans en 1955-56. Il capture ces images de gens au plus profond de l'Amérique profonde. Elles sont parfois dures, mais jamais pitoyables, ni glauques. Il travaille et retravaille les thèmes du drapeau, de la bagnole ou du jukebox, parce qu'ils font partie de la vie des gens.
Avant cela, il y avait eu les travaux du B.S.S.A., le Bureau de la Sécurité Sociale Agricole lors de la Grande Dépression, avec des photographes comme Walker Evans ou Dorothea Lange. Mais les cadrages de Frank sont beaucoup plus libres et on le sent plus impliqué par le fait même qu'il fait un voyage. Les thèmes sont plus urbains, aussi. Ses prédécesseurs avaient un regard extérieur sur leurs concitoyens. Paradoxalement, ce Suisse de naissance photographie l'Amérique de l'intérieur. Il fallait oser. Il l'a fait et c'est unique. C'est pour ça que je veux ce bouquin!
Si vous aimez un tant soit peu la photographie et que vous n'avez pas encore ce livre, c'est le moment ou jamais de le commander!
Bon. Cela étant dit, je vais maintenant passer à un moment de vantardise personnelle. En 1999, Robert Frank était invité au Festival de films Visions du Réel, à Nyon. J'y suis allé en prenant soin d'emporter avec moi mon exemplaire du catalogue de son exposition Moving Out, qui est en fait une magnifique monographie de son œuvre. J'ai attendu dans un passage obligé et j'ai vu arriver un petit bonhomme, tout seul. Je lui ai dit que j'aimais beaucoup ce qu'il avait fait (je ne devais pas être le premier à le lui dire...) et que je serais très honoré s'il voulait bien me dédicacer son livre. Ce qu'il a fait très, très gentiment. C'est donc de la plume de Robert Frank que vous pouvez connaître mon véritable nom:
Merci Monsieur Robert Frank. Merci pour tout...
Robert Frank, Jack Kerouac: The Americans, Steidl, 180 pages.
6 commentaires:
Un livre fondamental, je suis absolument d'accord !
Oui, il existe évidemment d'autres livres fondamentaux, mais celui-ci est spécial parce qu'il conjugue un fond, une forme et un moment précis. Il n'est donc pas reproductible.
C'est pour ça, d'ailleurs, que je préférerais avoir l'édition originale de 1958. Il se trouve qu'il est paru un jour après ma naissance. Ce doit être un signe...
Grâce à vous, j'ai acheté le livre de Robert Franck dans d'excellentes conditions sur The Book Depository. Je voulais vous en remercier.
J'ai profité de ce moment pour acheter chez le même libraire (et le même éditeur) un livre de photos de Walkers Evans : « Lyric Documentary ».
http://www.steidlville.com/books/422-Walker-Evans-Lyric-Documentary.html
Je vous le conseille chaudement: les photographies sont magnifiquement « tirées » et le livre est d'excellente facture, pour 30 euros, c'est incroyable !
Mais vous l'avez sûrement déjà !
Trop heureux d'avoir fait un heureux!
Non, je n'ai pas le livre de Walker Evans, mais je vais aller voir ça tout de suite!
Je signale au passage, chers lecteurs, que si vous trouvez aux puces des livres de Time Life de la Série "Life la Photographie", prenez les volumes "La photographie documentaire" et "Les grands photographes". On y retrouve tous ces photographes que nous aimons bien dans des tirages magnifiques.
Il faut prendre les éditions de 1974 (voir à la fin du volume).
Je suis l’heureux propriétaire de sept exemplaires de la série "Time Life - La Photographie"
N’étant pas bibliophile, je n’avais jamais fait attention à l’année d’édition de mes exemplaires :
- L’appareil photographique 1976
- La couleur 1978
- La lumière et la pellicule 1978
- Le développement et l’épreuve 1979
- Les grands thèmes 1979
- Nature et photographie 1980
- La photographie documentaire 1980
Rien de 1974 !
Est-ce grave docteur ?
Ah oui, c'est grave!!! ;-))
Si je parle de l'édition de 1974, c'est parce que j'ai vu des éditions ultérieures et je trouve qu'elles sont moins bien imprimées. Celles de 74 ont l'air d'être faites à l'hélio industrielle, ce qui n'est déjà pas mal, bien qu'elles soient assez foncées. Les suivantes ont plutôt l'air d'être faites à l'offset. En tout cas, je les trouve moins belles. Il faudrait que je puisse mettre deux exemplaires l'un à côté de l'autre pour en être sûr...
Pour ceux qui ne l'ont pas, je signale que dans "La photographie documentaire", il y a des photos de Lartigue, Atget, Hines, Evans, Dorothea Lange, Leipzig, Kertéz, Strand, Cartier-Bresson, W. Eugene Smith, Frank, Friedlander, Winogrand, Arbus, Freed, qui ont droit chacun à plusieurs pages en grand format. Plus d'autres encore avec une page.
Dans "Les grand photographes", on retrouve un peu les mêmes avec, en plus, les pionniers de la photo, souvent anglo-saxons.
La prochaine fois que vous faites les puces, jetez-y un coup d'œil si vous tombez dessus! ;-)
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